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  • : Le titre de ce blog est "regards". Regards sur le monde, regards sur les autres, sur les amis, sur les êtres qui marquent ma vie, sur les laissés pour compte anonymes qui meurent de notre indifférence et ne survivent que de notre regard.
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En passant...

ami(e)s ont visité ce blog depuis le 16 Juillet 2006 ! Merci à tous de passer me voir de temps en temps :-) !
8 octobre 2006 7 08 /10 /octobre /2006 23:11

Cher parents,

Ma lettre va vous causer une grande peine, mais je vous ai vus si pleins de courage que, je n'en doute pas, vous voudrez bien encore le garder, ne serait-ce-que par amour pour moi.

Vous ne pouvez savoir ce que, moralement, j'ai souffert dans ma cellule, de ne plus vous voir, de ne plus sentir sur moi votre tendre sollicitude que de loin , pendant ces quatre-vingt-sept jours, votre amour m'a manqué plus que vos colis et, souvent, je vous ai demandé de me pardonner tout le mal que je vous ai fait, tout le mal que je vous ai fait. Vous ne pouvez douter de ce que je vous aime aujourd'hui, car avant, je vous aimais par routine plutôt mais, maintenant, je comprends tout ce que vous avez fait pour moi.

Je crois être arrivé à l'amour filial véritable, au vrai amour filial. Peut-être, après la guerre, un camarade parlera-t-il de moi, de cet amour que je lui ai communiqué; j'espère qu'il ne faillira point à cette mission désormais sacrée.

Remerciez toutes les personnes qui se sont intéressées à moi, et particulièrement mes plus proches parents et amis, dites leur toute ma confiance en la France éternelle. embrassez très fort mes grands-parents, mes oncles, mes tantes et cousins, Henriette. Dites à Monsieur le curé que je pense aussi particulièrement à lui et aux siens. Je remercie Monseigneur du grand honneur qu'il m'a fait, honneur dont, je crois, je me suis montré digne. Je salue aussi en tombant mes camarades de lycée. A ce propos, Hennemay me doit un paquet de cigarettes, Jacquin, mon livre sur les hommes préhistoriques. Rendez le Comte de Monte-Cristo à Emeurgeon, 3 chemin Français, derrière la gare. Donnez à Maurice Andrey, de La Maltournée, 40 gr de tabac que je lui dois.

Je lègue ma petite biliothèque à Pierre, mes livres de classe à mon cher Papa, mes collections à ma chère Maman, mais qu'elle se méfie de la hache préhistorique et du fourreau d'épée gaulois.

Je meurs pour ma patrie, je veux une France libre et des Français heureux, non pas une France orgueilleuse et première nation du monde, mais une France travailleuse, laborieuse et honnète. Que les Français soient heureux, voilà l'essentiel. Dans la vie, il faut savoir cueillir le bonheur.

Pour moi, ne vous faites pas de souci, je garde mon courage et ma belle humeur jusqu'au bout et je chanterai Sambre et Meuse parce que c'est toi, ma chère petite maman, qui me l'a appris.

Avec Pierre, soyez sévères et tendres. Vérifiez son travail et forcez-le à travailler. N'admettez pas de négligence. il doit se montrer digne de moi. Sur les "trois petits nègres", il en reste un, il doit réussir.

Les soldats viennent me chercher. Je hâte le pas. Mon écriture est peut-être tremblée, mais c'est parce que j'ai un petit crayon. Je n'ai pas peur de la mort. J'ai la conscience tellement tranquille.

Papa, je t'en supplie, prie, songe que si je meurs, c'est pour mon bien. Quelle mort sera plus honorable pour moi? Je meurs volontairement pour ma Patrie. Nous nous retrouverons bientôt tous les quatre, bientôt au ciel. Qu'est-ce que cent ans?

Maman, rappelle toi:

Et ces vengeurs auront de nouveaux défenseurs

Qui, après leur mort, auront des successeurs

Adieu, la mort m'appelle, je ne veux ni bandeau, ni être attaché.

Je vous embrasse tous. C'est dur, quand même, de mourir.

Un condamné à mort de 16 ans.

H. Fertet

Excusez les fautes d'orthographe. pas le temps de relire.

Expéditeur:

Monsieur Henri Fertet

Au ciel, près de Dieu.

Arrété chez ses parents pour faits de résistance le 3 juillet 1943, Henri Fertet est emprisonné par les nazis, torturé, puis jugé et condamné à mort. Il est fusillé le 26 septembre 1943, à l'âge de seize ans. J'ai reproduit plus haut, intégralement, sa dernière lettre. Parce que je n'oublie pas ce que ce môme et des centaines d'autres ont donné et ont souffert pour que je puisse écrire librement ces lignes sur ce blog, dans cette France que j'aime autant que lui.

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commentaires

K
Je n'ai que peu de mots pour exprimer ce que m'inspire la lecture de cette lettre.Je repense souvent à toutes ces femmes, à tous ces hommes, à tous ces enfants, parce que à 16 ans on est encore un enfant qui ont payé au prix fort cette liberté que nous bafouons trop souvent. Je pense aussi à mon père.Bisous
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S
Une belle leçon de vie... Je suis émue à la lecture de cette lettre et j'imagine tout le courage qu'il faut pour l'écrire... Merci à toi de l'avoir publiée car il ne faut jamais oublier que des hommes et des femmes ont donnés leur vie pour qu'aujourd'hui notre liberté d'expression puisse exister !<br /> Bisous et à bientôt, Syl
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L
Bonjour Fabrice,<br /> Je découvre ton blog par l'intermédiaire de Syl qui me l'a vivement recommandé et comme il se toruve qu'elle est ma meilleure amie...je n'ai pu résister !<br /> Cette lettre me bouleverse. 16ans? Je ne sais même pas si j'arrive à concevoir ce qui peut être alors dans la tête d'un jeune homme qui sait sa vie finie. C'est important de témoigner même à titre posthume de ce qui fait aujourd'hui notre liberté d'expression;<br /> Merci à toi Fabrice pour cet hommage poignant<br /> Amitiés Lady:)
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L
Hey bah voila une lettre "splendide" qu'il faudrait mettre sous les yeux de quelques-uns... Se sacrifier à 16 ans pour offrir à la France une chance d'être libre... Qu'est-ce que ça peut bien vouloir dire aujourd'hui quand on voit que la plupart ferment leur gueule quand il suffirait juste de dire "Stop ! Ca suffit ! " Qu'est-ce que ça peut bien vouloir dire, quand d'autres pourrissent la vie de ceux qui justement n'ont même plus le courage ni la volonté de lever le poing pour leur simple mieux vivre au quotidien !<br /> Henri s'est battu pour la plus noble des cause, et voila qu'aujourd'hui, quotidiennement cette cause et piétinée, souillée de crachats, bafouée : oubliée !<br /> Y'a franchement de quoi ruminer !!!<br /> Mais toi tu es là, notre Cher Fabrice... Au service de ces maigres mémoire !<br /> Un grand merci à Toi !<br /> Je t'embrasse.<br /> Laurence<br />  
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F
Merci Laurence, cette lettre m'a vraiment remué !
C
C'est magnifique ! Belle leçon de vie
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F
C'est sympa d'être passée, coccinelle... plein de bonnes choses à toi.