Après avoir fait une escale à Tanga pour y charger une cargaison de nains de jardin en nubuk, le cargo arriva en vue de Mkokotoni.
Bleuride était accoudée au bastingage et se laissait doucement bercer par le clapot. Clamestre, un peu plus loin, finissait d'écrire un traité sur l'usage de la broderie dans la décoration des armures de samouraïs.
- Allez-vous descendre à terre?
Bleuride avait tourné la tête vers sa co-passagère et esquissé un faible sourire matinal.
Clamestre souleva le bord de son chapeau de toile afin de libérer un oeil. Elle sourit à son tour pluis répondit
- C'est probable. Peut-être y découvrirai-je la raison de notre présence dans cette région. M'accompagnerez-vous?
- Bien entendu. En plus, je n'ai plus de confiture.
- Je comprends.
Au fil des jours, il s'était instauré entre les deux jeunes femmes une solide complicité qui n'avait pas besoin de se payer de mots. Leurs conversations étaient rares mais intenses. Elles se comprenaient d'un simple regard.
- Clamestre?
- Oui, Bleuride?
- Rien, c'était pour savoir.
- Ah.
- ...
Un soleil généreux inondait le port cependant que le commandant, depuis la passerelle, supervisait les opérations d'accostage.
- Lancez les grosses lanières tressées de chanvre sur le quai de manière à ce qu'elles soient récupérées par les autochtones et qu'elles soient enroulées de manière idoine sur les bites...
L'équipage se figea et regarda le boss avec perplexité
-... d'amarrage.
Tous poussèrent un ouf de soulagement et se mirent joyeusement au travail. C'était beau de voir ces marins au visage buriné d'embruns obéir comme un seul homme aux ordres incoryablement précis du commandant.
- Avancez encore un chouya!
- Oui commandant!
- Euh, stop!
- Oui, Comm...
- Je veux dire, machine arrière toute
Boum
Dans un monstrueux craquement, le cargo empala littéralement la frèle passerelle de bois qui servait de quai. Comme des échardes friponnes, les planches et les caillebotis furent propulsés dans les airs au milieu d'une volée de débris.
Heureusement, cette arrivée pittoresque n'avait fait qu'une dizaine de victimes que les autorités de Zanzibar s'étaient hâtées de faire disparaitre afin de ne pas nuire à la réputation du port.
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